LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

 

En 1965, le traité de Bruxelles a établi une Commission unique (et un Conseil unique) des Communautés européennes. La Commission est un organe supranational et représente l’intérêt communautaire. Les commissaires sont nommés d’un commun accord par les gouvernements des Etats membres, pour 5 ans, et sont au nombre de 20 dans l’Europe des quinze (il y a un à deux commissaires par pays). Ils ne peuvent recevoir aucune instruction de la part des gouvernements. Même si les commissaires se répartissent différents portefeuilles et ont autorité sur une ou plusieurs des 23 directions générales, la Commission fonctionne de façon collégiale : toutes les propositions d’un commissaire doivent recueillir l’accord consensuel du collège des commissaires avant d’être transmises au Conseil et au Parlement.

La Commission est gardienne des traités, elle veille à l’application correcte des décisions et elle dispose d’un pouvoir de sanction à l’encontre d’un Etat membre. Elle peut saisir la Cour européenne de justice en cas de non-respect des lois communautaires par un Etat membre. Elle prépare le budget de la Communauté (budget arrêté par le Parlement européen), et le gère. Elle représente la Communauté dans les organisations internationales. Elle a surtout le monopole de l’initiative des décisions communautaires. La Commission est parfois mandatée par le Conseil des ministres (et par le Conseil européen pour les grandes orientations européennes), mais le plus souvent, elle a l’initiative des propositions et, mis à part un petit nombre de cas, le Conseil des ministres ne peut se prononcer que sur une proposition de la Commission. La Commission intervient à la phase d’élaboration d’un projet, elle est l’initiatrice de la politique communautaire. Elle est également un organe d’exécution, elle établit les textes d’application des décisions prises par le Conseil.

Mis à part le domaine de la concurrence où la Commission fait office d’exécutif, c’est le Conseil, organe intergouvernemental, qui décide et vient s’immiscer dans le dialogue entre les deux institutions supranationales que sont la Commission et le Parlement européen.

La Commission est responsable devant le Parlement qui peut déposer une motion de censure à son encontre :

·    La Commission a démissionné en 1999 à la suite à un rapport d’un Comité d'experts indépendants. Ce rapport faisait état d’une administration irresponsable au niveau de la gestion, d’un contrôle financier inefficace voire inexistant, d’une gestion des deniers publics folklorique, d’une politique du personnel fantomatique, de normes comptables inopérantes, d’une lutte antifraude lacunaire. Pour renforcer la crédibilité de la commission dans sa lutte contre la corruption, non seulement dans les États membres mais aussi à l’intérieur même des institutions, un office de lutte antifraude indépendant (OLAF) a été créé en 1999, en remplacement de l’UCLAF.

·        La Constitution européenne a été signée à Rome le 29 octobre 2004 par les 25 dirigeants de l'UE dans un contexte de crise ouverte par le retrait de la composition de la nouvelle Commission Barroso, menacée de censure par le Parlement européen.

Conformément à l’esprit des traités et au projet fondateur, la Commission mène une politique néo-libérale, prônant une mondialisation libérale et un libre-échangisme sans entraves, objectif jadis théorisé par l'OCDE et réellement appliqué en Europe depuis l’Acte unique sous l’impulsion de la Commission. Cette politique vise à une déréglementation généralisée avec une priorité accordée au principe de concurrence. D’où l’opposition de la Commission à la constitution de pôles industriels européens, et l’évolution vers la privatisation des services publics. Dans le même esprit, la Commission a négocié dans le plus grand secret (mais avec la participation active des multinationales) l'AMI, accord multilatéral sur l’investissement, dont le but visait à légitimer juridiquement la suprématie des multinationales sur les Etats. Ces négociations furent abandonnées en 1998 sous la pression d’un mouvement citoyen. Néanmoins, depuis, la Commission poursuit fort logiquement sa politique  néo-libérale en négociant auprès de  l’OMC l’Accord général sur le commerce des services (AGCS) dont le but consiste en la libéralisation des services, l’ouverture des services publics à la concurrence et la marchandisation de l’éducation, de la santé et de la culture.

Cette politique néo-libérale et libre-échangiste vise à créer une zone de libre-échange, un marché européen uniformisé, débarrassé de ses spécificités identitaires et culturelles. C’est ainsi qu’à l’été 2002, la Commission européenne a menacé de traîner la France devant la Cour de justice des communautés européennes pour avoir prévu par décret que les étiquettes des articles alimentaires vendus en France devaient être libellées en français. De façon similaire, la Commission privilégie l'anglais dans les négociations relatives à l'élargissement.

La Commission mène son action au moyen d’un processus opaque et non démocratique. Ainsi, c’est au sein du comité 133 (article 113 devenu 133 avec Amsterdam) que réside le mécanisme secret des prises de décisions qui s’imposent aux États. Ses avis sont élaborés par de haut-fonctionnaires et des représentants des multinationales (UNICE - TABD) qui font part de leurs recommandations à la Commission. Même les multinationales américaines ont pignon sur rue à Bruxelles. Les représentants des multinationales et la Commission ont une même vision de la mondialisation au travers du partenariat économique transatlantique (PET créé en mai 1998). Les documents ne sont pas publics, les documents sont imposés aux gouvernements et aux parlements nationaux sans laisser le temps d’un débat démocratique. Tout en menant une politique intensive de communication, la Commission interdit aux parlementaires de consulter les documents décisifs. Cette attitude paradoxale s’inscrit dans le cadre des doubles contraintes.

Loin d’un simple pouvoir d’avis, le comité 133 détient le pouvoir décisionnel. Le Parlement européen n’intervient presque jamais. Les représentants des multinationales ont fortement intensifié leur action de lobbying auprès de la Commission (et du Parlement européen) depuis l’Acte Unique. On estime qu’environ 4 000 groupes d'intérêt employant jusqu'à 15 000 personnes (payées à prix d'or) font du lobbying sous une forme ou une autre à Bruxelles. Il s’agit d’intérêts non seulement européens mais également internationaux (dont les multinationales américaines). Bruxelles est la deuxième capitale mondiale des lobbyistes (après Washington) mais ces derniers ne sont soumis à aucune obligation réglementaire.

C’est ainsi par exemple que, sous la pression des grands groupes agroalimentaires, la Commission européenne plaide pour la fin du moratoire sur les OGM alors que l'Union européenne a ratifié en 2002 le protocole de Carthagène sur la bio sécurité (issu de Rio en 1992), accord international fondé sur le principe de précaution. En conséquence, en cas d’autorisation des cultures d’OGM à grande échelle, la disparition de l’agriculture biologique est inéluctable. Dans les faits, la Commission européenne a mis fin en mai 2004 à un moratoire datant de 1999 sur les importations d'organismes génétiquement modifiés en autorisant la mise sur le marché de boîtes de maïs doux Bt-11.

L'alliance entre la Commission européenne et les représentants des multinationales date d'environ 1982. Cette alliance a joué un rôle majeur dans l'élaboration de l'Acte Unique et des traités suivants jusqu'au Traité établissant une constitution pour l'Europe. On retrouve dans ce lobbying la Table ronde des industriels européens (ERT), l'UNICE, l'AMCHAM (le comité européen de la chambre de commerce américaine) qui intervient de plus auprès du COREPER, le Dialogue sur le commerce transatlantique (TABD) qui exerce également du lobbying sur le parlement européen en vue d'achever le marché transatlantique (le PET) d'ici 2015. Dans un détournement sémantique, la Commission européenne  considère que ce lobbying émane de la société civile !

Au-delà des critiques que l’on peut émettre à l’encontre de la Commission et dont le mode de fonctionnement contribue au déficit démocratique de l’Europe, il ne faut pas perdre de vue que la Commission agit dans l’esprit des traités qui sont négociés et signés par les chefs d’États et de gouvernements des États membres. De la même façon, lorsque des gouvernements nationaux n’osent appliquer une politique, ils donnent mandat à la Commission européenne. Celle-ci propose, le Conseil décide en dernier ressort et la politique devient applicable aux États membres. Les gouvernements se disent alors impuissants et contraints par les directives européennes, évitant ainsi un débat national.

Ainsi, une réelle démocratisation des institutions européennes nécessite au préalable une révision des traités fondateurs.




Les institutions européennes

Retour au sommaire