L’ÉLARGISSEMENT

 

Si en septembre 1946, Churchill appelle de ses vœux les Etats-Unis d’Europe, l’Europe des six se fera sans la Grande-Bretagne. En raison d’une crise économique et de la perte de son influence au sein du Commonwealth, la Grande-Bretagne pose sa candidature à la Communauté. La France s’opposera aux Pays-Bas atlantistes qui soutiennent l’entrée de la Grande-Bretagne. Les conceptions du général De Gaulle et de la Grande-Bretagne quant à l’architecture politique de l’Europe se rejoignaient (l’Europe des Etats dans les deux cas). La France opposera cependant son veto par deux fois (en 1963, après que le Royaume-Uni ait manifesté sa préférence pour les Etats-Unis en signant les accords de Nassau, puis en 1967) à l’entrée d’une Grande-Bretagne considérée trop libre-échangiste et apparaissant comme le cheval de Troie des Etats-Unis. C’est finalement en 1973 que la Grande-Bretagne intégrera la Communauté avec l’Irlande et le Danemark (la Norvège refuse l’adhésion par référendum).

Le 1er janvier 1981,  la Grèce entre dans la Communauté, suivie par l’Espagne et le Portugal le 1er janvier 1986. L’Autriche, la Suède et la Finlande adhèrent le 1er janvier 1995 : c’est l’Europe des quinze.

L'élargissement à l'Europe de l'est, à l'ex Europe communiste, constitue le grand projet politique du début du XXIème siècle, un bouleversement majeur et radical puisque jusqu'alors, l'Europe s'était construite sous la menace du communisme. Cet élargissement représente la troisième phase dans l'histoire de la construction européenne.

Les dix prochains candidats sont l’Estonie, la Lituanie, la Lettonie, la Pologne, la République Tchèque, la Slovaquie, la Hongrie, la Slovénie, Malte, et Chypre. A compter du 1er janvier 2005, la pondération des voix au sein du Conseil européen sera la suivante : Allemagne, Grande-Bretagne, France et Italie auront 29 voix,  Pologne et Espagne 27 voix, Pays-Bas 13 voix, Grèce, République tchèque, Belgique, Hongrie et Portugal 12 voix, Suède et Autriche 10 voix, Slovaquie, Danemark, Finlande, Irlande et Lituanie 7 voix, Lettonie, Slovénie, Estonie, Chypre et Luxembourg 4 voix, Malte 3 voix. Lors de la crise irakienne, la plupart de ces pays candidats ont affirmé leur soutien à la vision géopolitique américaine. A l’inverse, la Turquie, futur pays candidat, semble s’en éloigner.

Les Chypriotes grecs ont rejeté le plan onusien de réunification de l'île soumis à référendum. Au premier mai 2004, seule la partie grecque de Chypre a intégré l'UE. Ainsi, une partie du territoire d'un État membre est occupée par un État candidat, la Turquie. Mais on peut aussi se demander pourquoi les chefs d'État et de gouvernement de l'UE ne se sont pas posés explicitement garants d'un accord sur Chypre.

L’élargissement a un coût, principalement au niveau de la politique agricole commune (la PAC représente plus de 40 % du budget de l'UE). La PAC restera maintenue sous sa forme actuelle jusqu'en 2006. Mais il faut noter que le cadre financier de l’Europe élargie est à deux vitesses et ne respecte pas l’égalité entre pays membres : il y a une rupture de solidarité entre pays européens. De plus, plusieurs pays parmi les quinze envisagent de restreindre l'accès à leur marché du travail national aux citoyens de l'Est. Enfin, le cadre financier pluriannuel (gestion des fonds structurels pour assurer le développement des régions défavorisées) du TCE relève de l'unanimité (I -55) alors que le traité de Nice prévoyait la majorité qualifiée à partir de 2007. Ceci est à mettre en parallèle avec l'absence d'une coordination des politiques économiques et monétaires dans le TCE qui se contente d'une accélération de la libéralisation des services avec le risque d'un dumping social et d'une concurrence intra européenne.

Concernant le budget de l'Union européenne, les recettes sont plafonnées à 1,27% du produit national brut. En 2005, l'Union européenne prévoit de consacrer en particulier  :
- 42,62% pour les dépenses agricoles
- 36,40% pour les fonds structurels
- 5,45% pour les dépenses administratives des institutions
- 7,77% pour des politiques internes

Six pays (Allemagne, France, Pays-Bas, Royaume-Uni, Autriche, Suède) ont fait pression pour que le budget 2007-2013 soit plafonné au niveau qu'il atteignait en 2003. Outre donc les conséquences sur l'élargissement, cette contraction du budget européen se fait au détriment des
dépenses sociales, de la politique industrielle et de la recherche.

Enfin, l'élargissement a été mené sans approfondissement préalable des institutions européennes. De plus, entre 1957 et 1995, nous sommes passés de 6 à 15 soit une moyenne de 3 pays intégrés tous les 13 ans. Selon cette courbe, en 2008, l'Europe aurait été constituée de 18 pays. En réalité, en 2007, avec l'intégration de la Roumanie et de la Bulgarie, l'Europe comprendra 27 pays. Le rapport de la commission politique du Parlement européen sur l'élargissement de la Communauté Européenne (26 mars 1991) recommandait pourtant de renforcer les institutions et de mener un élargissement limité afin de ne pas nuire à la cohésion de la Communauté.


 

L’Europe et la conjonction des opposés

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