LA
BANQUE
CENTRALE EUROPEENNE
La naissance de
la banque centrale européenne s’inscrit dans un
long
processus depuis la
naissance du Serpent monétaire en 1972, puis du
Système
monétaire européen en 1979
en réponse à la crise du système
monétaire
international en 1971.
Après la
suppression du contrôle des changes et la libre circulation
des
capitaux depuis
le 1er juillet 1990, première étape vers
l’Union
économique et monétaire (UEM),
la création de l’Institut monétaire
européen
le 1er janvier 1994 a marqué la
deuxième étape de l’UEM.
C’est un embryon de
Banque centrale européenne qui a
pour mission de renforcer la coordination des politiques
monétaires des Etats
membres comme la coopération entre les banques centrales
nationales, et de
superviser le fonctionnement du Système monétaire
européen. Il est dirigé par
un collège constitué d’un
président
(nommé d’un commun accord par les chefs
d’Etat et de gouvernement) et des gouverneurs des banques
centrales des Etats
membres. La création au 1er janvier 1999 du
Système
européen de banques
centrales, réunissant la Banque centrale
européenne (BCE)
et toutes les banques
centrales nationales, constitue la troisième phase de
l’UEM. L’entrée dans
cette phase est subordonnée au respect de
critères de
convergence draconiens :
situation des finances publiques en terme d’endettement et de
déficit, taux
d’inflation et taux d’intérêt
à long
terme. La croissance et l’emploi ne
rentrent pas dans les objectifs de la BCE.
Ainsi, la qualification des pays pour l’euro s’est ainsi faite au prix d’une politique génératrice de chômage et de récession. Et comme le souligne Jean-Paul Fitoussi, sur la période 1990-2004, le poids relatif de la zone euro a baissé de 16 % par rapport aux Etats-Unis, de 9 % par rapport au Royaume-Uni, et n'a pas augmenté par rapport au Japon qui a plongé dans la déflation.
La zone euro comporte 12
pays sur 15 (il
manque le Danemark, la Suède et le Royaume-Uni). Les dix
pays
qui ont adhéré à l’Union
européenne
en mai 2004 ont une période probatoire de deux ans avant de
pouvoir intégrer la zone euro.
Le rôle de la
Banque centrale européenne est de gérer la
monnaie
européenne, d’assurer la
stabilité des prix avec une hausse limitée de
façon arbitraire à 2%, et de
conduire une politique monétaire commune. Les hommes
nommés en mai 1998 pour
assurer cette gestion ont mené auparavant une politique
monétaire restrictive,
donnant la priorité à la lutte contre
l’inflation
avec une politique de monnaie
forte, surévaluée, au lieu de s’engager
dans une
politique de croissance et de
réduction du chômage. C’est ainsi que la
BCE
répugne à prendre des mesures en
faveur de la croissance, comme baisser le taux
d’intérêt directeur en
période
de ralentissement économique. Elle peut d’autant
mieux
s’enfermer dans son
dogme monétarisme qu’elle n’a aucun
compte à
rendre, pas même devant le
Parlement européen.
Au lieu de
favoriser de grands projets économiques, la BCE
privilégie un capitalisme de
type financier, la priorité accordée à
la lutte
contre l’inflation protégeant
la Bourse et les actifs financiers détenus par les
créanciers. La BCE est
polarisée exclusivement sur l’inflation,
à la
différence de la Réserve
fédérale
américaine qui tient compte également des indices
de
croissance et du chômage.
La montée
gigantesque de l’endettement public met les Etats en
dépendance des marchés
financiers, et ces derniers peuvent imposer leurs
intérêts
(la lutte contre
l’inflation) au détriment de ceux de la
Société Civile (la lutte contre le
chômage). Importance de la dette de l’Etat, taux
d’intérêt élevés,
politique
monétaire restrictive, tout concourt à la
domination des
créanciers, favorisant
une économie de rente au détriment
d’une
économie de production, avec comme
corollaire récession, montée du chômage
et
accroissement des inégalités depuis
1980.
Il faut rappeler
que le monétarisme résulte de
l’application des théories de Milton Friedman,
prix Nobel
d’économie en 1976.
Le but du monétarisme est, à juste titre,
d’empêcher les gouvernements de céder
à la tentation facile de financer le déficit
budgétaire par la création
monétaire, politique génératrice
d’inflation. Ainsi, selon Friedman, «
l’inflation survient quand la quantité de monnaie
augmente
nettement plus vite
que la production ». De ce principe
découle le
principe d’indépendance de
la Banque centrale. A partir de là, on peut conduire un
monétarisme pensé pour
accompagner la croissance et stimuler les investissements productifs,
ou au
contraire s’enfermer dans un dogme monétariste
générateur de récession.
Malheureusement,
la BCE a toujours conduit une politique monétaire dogmatique
avec restriction
de la masse monétaire. Ainsi, une politique de monnaie
forte, la
contraction de
la masse monétaire et des taux
d’intérêt
élevés génèrent
chômage et
récession
(flirtant parfois avec la déflation qui menace en Europe,
particulièrement en
Allemagne), ce qui aggrave les déficits publics. Le seul
remède appliqué pour
lutter contre le chômage consiste en le partage du travail.
Les
politiques
nationales sont bridées par le carcan des
critères de
convergence (Maastricht)
et par le Pacte de stabilité (Amsterdam) supposé
lutter
contre le déficit
budgétaire. Ce Pacte de stabilité a
d’ailleurs
été remis en cause en janvier
2001 par sept instituts européens de recherche
économique
qui dénoncent le
sous-investissement dans le cadre d’une politique de rigueur.
Le
dogmatisme de
la politique monétariste européenne a
été
moult fois dénoncé par différents
rapports (dont le rapport 2001 de la CNUCED), et par Milton Friedman
lui-même... Nombre
d'économistes jugent
également que la définition de la
stabilité des
prix est trop restrictive.
La BCE est totalement indépendante, n’a aucun compte à rendre, pas même devant le Parlement européen. Elle peut donc s’obstiner à mener la même politique monétaire dogmatique, et contribuer ainsi, au mieux à une croissance molle, au pire à la récession. Ce statut omnipotent de la BCE contribue au déficit démocratique de l’Europe.
Selon l'article III-188, "ni la Banque
centrale européenne, ni une banque centrale nationale, ni un
membre quelconque de leurs organes de décision ne peuvent
solliciter ni accepter des instructions des institutions, organes ou
organismes de l'Union, des gouvernements des États membres ou de
tout autre organisme. Les institutions, organes ou organismes de
l'Union ainsi que les gouvernements des États membres s'engagent
à respecter ce principe et à ne pas chercher à
influencer les membres des organes de décision de la Banque
centrale européenne ou des banques centrales nationales dans
l'accomplissement de leurs missions."
Du fait de ce statut, de la mission de la BCE, et des contraintes budgétaires, l’Europe se prive des moyens (budgétaires et monétaires) de surmonter la crise économique depuis les années 1990, crise qui a atteint son point culminant avec le krach boursier de 2001-2002, d’une ampleur similaire à celui de 1929, tant au niveau de la bulle spéculative qu’au niveau de l’effondrement des valeurs boursières. De ce point de vue, l’UEM est un échec.
Réformer
les institutions européennes
impose
de revenir sur le statut de la Banque centrale, et de bien penser le
monétarisme (avec les théories de Allais et
d’Hamilton) en revenant aux fondements
de l'Europe. Ceci
implique donc
une rupture fondamentale avec Maastricht, Amsterdam et Nice, et un
nouveau
traité assignant à La Banque centrale la mission
de
soutenir la croissance. Il serait de plus souhaitable que la politique
monétaire soit adaptée en fonction des conditions
économiques nationales : on ne peut pas mener une politique
monétaire uniformisée avec la diversité
économique de l'Europe à 25 et plus.