L'OTAN
L’OTAN a pour
vocation « de protéger la
démocratie et les
droits de l'homme et d'assurer
la primauté du droit ». C'est du moins ce
qu'affirme
la Charte de l'OTAN !
La dissolution
du Pacte de Varsovie en 1991 n’a pas
entraîné la
disparition de l’OTAN. Son
nouveau rôle théorique devait être
d’intervenir n’importe où dans le monde
là
où les intérêts
géopolitiques et
économiques des États-Unis sont en jeu.
L’OTAN
peut
mettre à disposition des européens la logistique
et des
moyens
militaires pour
mener des missions sous commandement européen. Cependant, en
fonction
de leurs
intérêts, les États-Unis peuvent
refuser de le
faire. L’OTAN est avant
tout au
service des intérêts américains, et
peut même
servir à instrumentaliser
la
guerre commerciale (par le marché militaire en particulier).
Dans la
même logique de contrer la construction européenne
et
d'assurer la
prééminence de l'OTAN, les États-Unis
ont
exercé d'intenses pressions
pour faire échec au projet européen Galileo
(géolocalisation par
satellites).
Face
à l’OTAN, l’UEO est la seule
organisation
européenne compétente en matière de
défense. Pilier européen de l’OTAN,
elle peut se
développer sans pour autant
remplacer l’OTAN. Elle a été
réactivée entre le sommet franco-britannique
(12-1998) et le Conseil européen d’Helsinki
(12-1999). L’Eurocorps
est un corps d'armée rassemblant des unités
belges,
allemandes, espagnoles, françaises et luxembougeoises.
L’Espagne, la France,
l’Italie et le Portugal participent à
l’Eurofor
(force opérationnelle rapide)
et à l’Euromar (force maritime
européenne).
Le Traité de
Maastricht précise :
« L’objectif est de
développer l’UEO en tant que
moyen de renforcer le pilier européen de
l’alliance
atlantique ». Du
reste, la majeure partie des gouvernements européens ne
veulent
pas d’une
défense européenne autonome pour au contraire
rester dans
le giron de l’OTAN.
Derrière la Grande-Bretagne, l’Espagne,
l’Italie, le
Portugal, le Danemark et
les Pays-Bas soutiennent une Europe atlantiste. Les pays de
l’Europe de l’est,
dans leur grande majorité, soutiennent cette position.
Pologne,
Hongrie,
Bulgarie, Roumanie, Estonie, Lituanie, Lettonie, Slovénie,
Macédoine, Croatie,
Albanie et Slovaquie (tous membres de l’OTAN depuis mai 2003)
ont
signé en
février 2003 une déclaration
d'allégeance à
la politique américaine. Les hommes
politiques et les gouvernements de l’Union
européenne ne
veulent pas renoncer à
leur pouvoir national mais se placent dans une relation de
vassalité face aux
Etats-Unis. « La relation transatlantique est
irremplaçable. En œuvrant de
concert, l'Union européenne et les Etats-Unis peuvent
constituer
une formidable
force au service du bien dans le monde. En développant nos
capacités et en
renforçant notre cohérence, nous deviendrons un
acteur
plus crédible et un
partenaire plus influent » (Conseil
européen de
Thessalonique du 20 juin
2003).
Les pays candidats réclament des aides au développement dans le cadre du marché unique mais leur loyauté première va à l'OTAN. Ainsi, les bases de l'OTAN pourraient être délocalisées de l'Allemagne vers la Pologne ou la Tchéquie.
L'OTAN bloque l'émergence d'une défense européenne indépendante mais n'est plus considérée comme primordiale par la l'administration américaine. Durant la guerre du Golfe, l'administration américaine a mené une coalition sous mandat de l'ONU. La campagne de l'OTAN au Kosovo a été menée sans mandat de l'ONU mais les alliés européens sont jugés trop encombrants (c'est-à-dire en fait insuffisamment serviles). Après les attentats du 11 septembre 2001, l'administration américaine s'est affranchie de toute contrainte, choisit ses alliés à la carte selon les circonstances, et mène seule la guerre en Afghanistan. L'OTAN reste marginalisée lors d'opérations importantes mais pourrait cependant être utilisée par les États-Unis dans leur "guerre préventive" contre le "terrorisme international", afin de maintenir l'hégémonie américaine dans le monde. L'Europe se verrait ainsi entraînée dans des guerres contraires à ses intérêts et à sa vision d'un monde polycentrique. C'est ainsi que l'administration Bush a demandé à l'OTAN, en décembre 2003, de participer à la sécurisation de l'Irak après l'agression anglo-américaine contre ce pays (l'OTAN intervient depuis août 2004 pour une mission limitée de formation des forces de sécurité irakiennes), de la même façon que l'OTAN est intervenu en Afghanistan en août 2003. Cette opération en Afghanistan, la première en dehors du territoire européen, intervient vingt et un mois après la chute du régime des talibans, alors que l'insécurité prévaut dans la plupart des provinces d'Afghanistan. En septembre 2005, les États-Unis ont même insisté pour que l'OTAN prenne le contrôle de la partie est du pays, la zone de combat contre les membres de l'ancien régime taliban.
L'OTAN reste par contre incontournable pour
assurer la vassalisation de l'Europe. La réunion du 29 avril
2003 entre la France, l'Allemagne, la Belgique et le Luxembourg, visant
à mettre en place d'ici à 2004 un "noyau de
capacité collective européenne" capable de
conduire des
opérations militaires de façon autonome par
rapport
à l'OTAN a de nouveau
révélé les clivages
entre une Europe vassale des États-Unis (Royaume-Uni de
Blair et
Espagne d'Aznar en particulier) ou une Europe indépendante.
On
note cependant depuis septembre 2003 des timides avancées de
Londres. Mais loin d'un quartier général
européen
autonome vis-à-vis de l'OTAN, avec l'accord des vingt-cinq
pays,
le conseil européen du 13 décembre 2003 n'a
décidé que de la constitution d'une cellule
opérationnelle qui reste subordonnée à
l'OTAN. On
peut cependant constater que depuis les attentats de Madrid du 11 mars
2004, deux pays européens, l'Espagne et la Pologne, ont
remis en
question leur politique vis-à-vis des États-Unis.
La
dérive extrémiste de la politique de
l'administration
Bush va-t-elle permettre à l'Europe de se
différencier et
de mener à bien son intégration ?
Après la mise en
lumière de la vulnérabilité des
États-Unis,
jusqu’alors considérés comme
protecteur de l’Europe, face à la
dérive belliciste
de l’administration Bush,
l’Europe est mise au défi de trouver en
elle-même
les ressources de sa propre
sécurité, d’assumer seule sa propre
défense (PESD)
et
d’y consacrer les moyens nécessaires (budget,
agence
européenne de
l’armement...). Défi considérable au
constat,
à la lumière de la crise
irakienne, de la profonde division qui déchire les pays
européens et du fossé
qui se creuse entre les opinions publiques et les gouvernements. On
peut noter
que le traité de Nice est entré en vigueur (le
premier
février 2003) très
exactement au moment où l’Europe affiche sa
division sur
son orientation
stratégique et diplomatique. Ce qui nous ramène
à
une problématique
incontournable : on ne peut réformer les
institutions
européennes sans
réfléchir au préalable sur la
finalité de
la construction européenne. C’est
la raison fondamentale de l’échec du
traité de Nice. Et c’est pourquoi la Convention
pour doter
l’Europe d’une
Constitution débouchera également sur un
échec,
même avec l'adoption de cette Constitution. Quant
à
l’OTAN, la question de
sa finalité se pose avec acuité.