RÉFORMER
l’ONU
Une nouvelle organisation
internationale doit voir le jour pour garantir les valeurs de la mondialisation (au sens cosmopolitique
du terme) dans
un monde polycentrique. Qui plus est, après plusieurs
échecs retentissants
(Rwanda, Somalie, Kosovo), la crise irakienne sonne le glas de cette
institution après la violation grave par les Etats-Unis et la
Grande-Bretagne
des dispositions les plus fondamentales de la Charte des Nations unies.
Il
devient urgent d’engager des réformes. L’ONU a perdu
de sa crédibilité après
avoir autorisé un embargo et des sanctions contre l’Irak.
Ces sanctions ont
touché en fait essentiellement la population civile tandis que
le régime de
Saddam Hussein s’enrichissait et se renforçait. Ceci a
conduit à l’échec de la
politique de l’ONU, tantôt instrumentalisée,
tantôt manipulée par
l’administration américaine. L’ONU doit retrouver
les valeurs de sa
charte : renoncer à la force dans les relations
internationales, maintenir
la justice et le droit international, veiller au droit des peuples
à disposer
d’eux-mêmes et au respect des droits fondamentaux de
l'homme (l'actuelle Commission des droits de l'Homme de l'ONU n'a
aucune crédibilité),
favoriser le
progrès économique et social. Conformément
à sa charte, la mission de l’ONU
consiste en particulier à venir en aide au peuple irakien tout
en se protégeant
de toute velléité de manipulation de la part des
puissances occupantes.
Etablir les règles
du commerce entre une douzaine d’ensembles régionaux
Critiquant la politique
libre-échangiste de l’OMC et
de l’administration
de Bruxelles, Maurice Allais
préconise que toute
libéralisation économique de
grande envergure ne s’effectue, dans l’immédiat,
qu’à un niveau régional entre
des pays dont l’état de développement
économique et social est relativement
proche, et non à l’échelle mondiale. Sans pour
autant s’enfermer, il s’agit
d’assurer une protection raisonnable vis-à-vis de
l’extérieur, et contre la
concurrence déstabilisatrice
de pays
n’ayant pas les mêmes impératifs sociaux. Des
protections aux frontières
permettraient de protéger les productions agricoles locales afin
d’assurer
sécurité et souveraineté alimentaire. On peut
ainsi espérer que le niveau de
protection sociale s’élève progressivement à
l’échelle de la planète.
L’OMC serait intégrée
à
l’ONU (et pourquoi pas rebaptisée Organisation
internationale du commerce, OIC,
telle qu’elle aurait dû voir le jour après 1945).
L’ORD disparaîtrait et serait remplacé par une Cour
Internationale de Justice Economique et
sociale. L’OIC prendrait en compte les disparités des
conditions de production
par l’introduction de clauses sociales non protectionnistes
destinées à inciter
le respect et l’application des recommandations de l’OIT
(Organisation
internationale du travail) pour la protection des droits de
l’Homme,
l’amélioration des conditions de vie et de travail, et le
développement de la
protection sociale. Des « droits compensateurs »
réguleraient les échanges
entre les différents blocs régionaux de manière
à permettre le développement
socio-économique et d’assurer la protection de
l’environnement dans les pays en
voie de développement.
L’OIC stabiliserait le cours
des matières premières et des ressources
énergétiques à leur juste niveau afin
d'assurer un approvisionnement régulier et de maintenir un cours
permettant aux
pays producteurs de se développer. Elle aurait pour objectif de
réduire l’écart
des richesses entre les différents ensembles régionaux,
d’accroître la
protection sociale dans les pays en voie de développement,
d’établir une
coopération économique, monétaire,
écologique et scientifique en répartissant
les efforts proportionnellement aux richesses. Les échanges
seraient ainsi
organisés entre de grandes zones homogènes du point de
vue des niveaux de vie
et de la protection sociale.
Les réformes
financières
Le FMI et la Banque mondiale
seraient remplacés par une Banque pour le développement.
Cette dernière aurait
un statut complètement indépendant de toute influence
politique ou d’ordre
privé. L’OIC collaborerait avec l’OIT, le PNUE
(programme des Nations Unies
pour l’environnement) et la nouvelle Banque pour le
développement.
L’organisation des échanges
est impossible dans un système de changes flottants. Maurice
Allais préconise
d’assurer des taux de change d’équilibre, et de
rendre impossible les
variations perverses des taux de change.
La banque mondiale pour le développement serait chargée de la gestion coordonnée de la douzaine de monnaies régionales avant que ne soit ultérieurement créée une monnaie internationale (le « bancor », ainsi que l’avait imaginé J.M. Keynes en 1944) au fur et à mesure de la convergence politique et économique des ensembles régionaux. Au polycentrisme culturel répondrait un polycentrisme monétaire.
Le rétablissement d’un certain contrôle sur les mouvements de capitaux nécessiterait la suppression des paradis fiscaux et une lutte contre la spéculation à l’échelle mondiale. Les paradis fiscaux sont des plaques tournantes de la corruption, de l’évasion fiscale, du blanchiment de l’argent et du terrorisme. Ces paradis fiscaux entraînent par ailleurs une distorsion de concurrence. Par exemple, le système américain d’aide aux exportations autorise les entreprises d’outre-Atlantique à exporter leurs produits via des filiales de vente dans des paradis fiscaux (Foreign sales corporations), ce qui leur permet de réduire jusqu’à un tiers leurs dépenses fiscales. L’OMC a d’ailleurs définitivement condamné ces FSC en 2002. Quant à la lutte contre la spéculation à l’échelle mondiale, une « taxe Tobin » de 0,2 % sur les opérations de change pénaliserait les mouvements spéculatifs à court terme sans avoir d'impact réel sur les investissements à long terme. Allais propose quant à lui l’imposition des revenus spéculatifs.
Une telle réforme au niveau international pourra ainsi s’opposer à l’actuelle dictature des marchés financiers qui est la conséquence d’une part de la libération des mouvements de capitaux, d’autre part de la diversification de investisseurs institutionnels qui ont des moyens financiers très largement supérieurs à ceux de n’importe quelle banque centrale.
Aucun Etat ou ensemble
régional n’aurait la possibilité de peser sur la
politique de telle institution
en fonction de sa contribution financière comme c’est le
cas actuellement (il
faudrait pour cela prendre exemple sur la Communauté
européenne dont le cadre
financier repose sur la règle de non affectation qui exige que
des recettes
déterminées ne soient pas affectées à des
dépenses déterminées). Il en serait
bien sûr de même pour les décisions de la Banque
centrale qui seraient prises
avec une égalité de voix entre ses membres et sans
interférence induite par la
quote-part au capital.
La dette du Tiers-Monde
serait annulée, le service de la dette étant largement
supérieur aux prêts
accordés.
La protection de
l’environnement
Si tous les êtres humains se
comportaient comme les européens ou les américains, les
ressources de la
planète seraient rapidement épuisées. Le
développement conjoint du Nord et du
Sud implique une remise en cause du mode de consommation occidental qui
est un
mode de vie non durable. Ceci implique une prise de conscience,
à l’échelle de
chacun, de sa responsabilité et de son appartenance à une
planète qui est notre
bien commun et dont il faut prendre soin. Il appartient
également aux médias de
participer à cette prise de conscience.
Une Écotaxe pourrait par
ailleurs être instituée afin de préserver
l’environnement.
Les réformes
institutionnelles
Les ensembles régionaux
remplaceraient l’actuelle Assemblée générale
et éliraient les deux secrétaires
généraux (la fonction de secrétaire
général serait dédoublée). L’un
aurait en
charge le développement économique (avec l’OIC, le PNUD, l’ONUDI), la coordination
militaire et les programmes de
lutte contre la drogue, l’autre le développement humain et
social qu’il
s’agisse des programmes alimentaires, de la protection de
l’enfance (UNICEF),
de la protection des populations ou des réfugiés, ce qui
touche à l’habitat,
aux droits de la femme, à l’organisation du travail (OIT),
au développement
sanitaire (OMS) et la protection de l’environnement (PNUE).
A terme, le Comité
économique et social pourrait devenir
l’équivalent
d’une Chambre des médiateurs qui assurerait la
représentation des peuples. Elle serait composée de
représentants des Parlements nationaux de chaque ensemble
régional, de savants, d’intellectuels et de
représentants des diverses
confessions. La représentation de la Société Civile permettrait de
souder les
différents peuples de la planète en une communauté
solidaire.
A l’encontre de la situation
actuelle où un tiers des Etats membres de l’ONU et un des
cinq membres
permanents du Conseil de Sécurité reconnaissent la Cour
internationale de
justice, cette
juridiction, reflet d’un
ordre juridique multipolaire, aurait un rôle renforcé et
garantirait la
primauté du droit sur la force. Tous les ensembles
régionaux reconnaîtraient la
Cour internationale de justice ainsi que
la Cour criminelle internationale dont le traité
fondateur a été signé
en juillet 1998 par 120 pays (et sans les Etats-Unis). La
compétence de ces juridictions serait obligatoire.
Actuellement, certains
États, dont les cinq membres permanents du Conseil de
sécurité, s’arrogent le
droit de détenir, de vendre ou même d’utiliser des
armes de destruction massive
(bombes à fragmentation ou à uranium appauvri).
L’hégémonie des cinq membres
permanents du Conseil de sécurité qui disposent
d’un droit de veto mine le
droit.
Le nouveau Conseil de
sécurité serait constitué non plus des cinq grands
mais d’un représentant de
chaque ensemble régional (Afrique noire, Amérique latine,
Indonésie et
Malaisie, Asie du Sud-est, Russie, Chine, Europe, Inde, Etats-Unis, Japon et Corée, Monde
arabo-musulman de l’Afrique au Moyen-Orient...). Il serait
l’organe chargé
d’exécuter les décisions de la Cour internationale
de justice. Il disposerait d’une force militaire
issue des ensembles régionaux
(et non d’arbitres en uniforme, simples témoins des
affrontements), capable
d’intervenir lors d’un conflit ou de lutter contre le
terrorisme. Le droit de
veto serait supprimé, car il n’aurait plus de raison
d’être dès lors que la
Cour internationale de justice exercerait la plénitude de ses
droits.
L’ensemble de ces réformes
contribueraient alors à préserver les peuples de la
guerre, à favoriser le
développement démocratique et économique de tous,
à faire respecter les droits
de l’Homme, à limiter le commerce international
des armements, à promouvoir la
santé, les valeurs humaines, sociales et culturelles, et
à défendre
l’environnement en protégeant l’avenir de
l’humanité à très long terme. Ce
n’est qu’ainsi que le terrorisme pourra réellement
être éradiqué.