LA DOUBLE – DÉMOCRATIE
Le concept de la
double-démocratie a été avancé par Philippe Court-Payen dans une conférence en
novembre 1980. Ce concept a été ensuite développé dans le livre que nous avons
publié ensemble (Thierry Medynski et Philippe Court-Payen, Psychanalyse et
ordre mondial, Montorgueil, 1993), puis dans l’Europe dévoilée.
Si le concept de parité,
avancé par le Conseil de l’Europe en 1989, visait à assurer une représentation
équilibrée des deux sexes au sein des instances du pouvoir d’une démocratie
moderne, la double-démocratie sépare les pouvoirs relevant respectivement des
fonctions attribuées au cerveau droit (fonctions de type matriarcal) et au cerveau gauche (fonctions de type patriarcal). La relation entre ces pouvoirs est régulée par trois Médiateurs qui
détiennent une capacité de médiation et de contrôle. Il y aurait ainsi cinq
représentants du pouvoir.
En premier lieu, la
latéralisation des fonctions dans le cerveau de l’homo
sapiens sapiens conduit, non pas à une dyarchie verticale entre un Président et
un Premier ministre, avec enchevêtrement des compétences, mais à une dyarchie
horizontale avec totale séparation entre un pouvoir de type patriarcal représenté par un Président, et
un pouvoir de type matriarcal représenté par un Matricien. Le premier aurait notamment en charge la défense, le Parquet et le
domaine économique. Il serait soumis au contrôle d’une Chambre élue au scrutin majoritaire. Le second
protégerait l’environnement, la santé et les droits de la personne humaine, et serait
soumis au contrôle d’une Chambre élue à la proportionnelle.
Il serait accordé autant
d’importance au développement économique et à la production de biens de
consommation (rôle du Président) qu’à la qualité de la vie, à l’enseignement, à
la culture, à la santé, au taux de morbidité, au taux de délinquance, au
respect de l’environnement et au développement d’une industrie antipollution
(rôle du Matricien). L'activité économique et le taux du chômage, mais aussi la
qualité de l’environnement comme le taux de morbidité seraient les indices
d'une véritable démocratie dont l'objectif est de mettre la croissance au
service de l’homme.
Mais par ailleurs, ces deux
pouvoirs seraient régulés par trois autres dont la mise en place nécessiterait le
renforcement de l’institution des Médiateurs. Trois Médiateurs contrôleraient les trois
pouvoirs constitués par la Justice, les médias, et la Banque centrale. Ces
pouvoirs seraient indépendants, c’est-à-dire libérés de toute influence
politique ou de nature privée, tout en restant soumis à un contrôle
parlementaire : ce serait le rôle d’une nouvelle Chambre, la Chambre des
médiateurs, issue d’une fusion du Sénat et du Conseil économique et
social. Elle élirait les trois Médiateurs.
Une telle structure permettrait une représentation de la Société Civile au sein des instances du
pouvoir, et garantirait l’indépendance de la Justice, des médias ou de
la Banque centrale.
Ces fonctions essentielles
de la Nation, assumées par les trois Médiateurs, ne sont donc pas de la compétence du Président ou du Matricien, mais restent par contre soumises au contrôle de la Chambre des
médiateurs. Ainsi, la double-démocratie est fondée sur une nouvelle conception
de la séparation des pouvoirs :
entre le Président et le Matricien au sein de
l’exécutif,
entre la Société Civile (la Chambre des médiateurs) et le pouvoir (le Président et le Matricien),
entre l’exécutif, le législatif, le pouvoir
judiciaire, le pouvoir monétaire et celui des médias.
La double-démocratie reconstitue une véritable séparation des
pouvoirs et établit un système politique conforme à l’organisation de toute
forme de vie. Car pas plus qu’il n’y a de cerveau gauche et de cerveau droit en
soi, il n’y a pas d’économique et de social en soi, ni de droite et de gauche
en soi, mais seulement des ensembles et des systèmes interdépendants au sein
d’une totalité destinée à s’adapter en permanence au changement.
La double-démocratie
constitue un modèle théorique à la fois fondé sur la conjonction des opposés et l’adaptation au changement,
ou, pour reprendre les termes de Lupasco (Stéphane Lupasco, Psychisme et
sociologie, Casterman, 1978), sur la loi de contradiction dynamique. Au
lieu d’une logique d’opposition responsable de luttes et de tensions
permanentes, débouchant sur un système improductif et une société bloquée, la
double-démocratie, à l’image de l’être humain, entre dans une logique dynamique
de régulation et d’adaptation au changement. Le terme de double-démocratie tend à exprimer la dualité même du pouvoir qui
nécessite deux modes séparés d’exercice, et donc l’élection et la délégation du
pouvoir à deux hommes distincts, à l’image de la latéralisation des fonctions dans le cerveau de l’homo
sapiens sapiens.
On peut rapprocher la
double-démocratie de l’institution de l’arbre à palabre en Afrique. Ce dernier
est le lieu de rencontre de l’autre, où s’exprime la tolérance de l’opinion
contraire, la confrontation d’idées (à la différence des certitudes de la
pensée unique). C’est le lieu d'exercice de la prise de décision, préalable à
la fonction de légiférer, permettant d’optimiser la qualité des lois au
détriment de leur nombre, de contrôler l'Etat par des processus de régulation, afin d'empêcher une dérive vers
la toute puissance (l'Ubris) et pour le mettre au service de l'intérêt général.
Chambre des médiateurs Justice Banque Médias
Matricien Président
Ministres Ministres Chambre des Chambre des
députés-matriciens
députés-patriciens |
Le modèle présenté dans la réforme des institutions européennes diffère
par la présence d’un seul Parlement qui élirait le Président et le Matricien
(que l’on pourrait appeler plus conventionnellement le Chancelier). Il me semble en effet qu’un Parlement unique doit se prononcer en
gardant une vision globale de l’intégration des contraires, de la même façon
que ce Parlement unique est susceptible de se prononcer sur des propositions
émanant de l’un des trois Médiateurs.
Chambre des
médiateurs Justice
Banque Médias Matricien Président Ministres Ministres Parlement |
Je garderais donc le terme
de double-démocratie en référence au concept initialement avancé par
Court-Payen, et j’utiliserais le concept d’Europe polycentrique pour définir
l’organisation polycentrique du pouvoir dans la réforme des institutions
européennes (et l’organisation polycentrique de l’Europe avec États et euro-régions).