LA POLITIQUE AGRICOLE COMMUNE

 

 

 

La fin du siècle a été marquée en Europe par un fait majeur : l'impuissance de l'Europe à assurer sa sécurité sanitaire en matière alimentaire au travers du problème de la vache folle.

 

La responsabilité de la Commission dans la crise de la vache folle se situe à deux niveaux : dans la gestion du dossier au moment de l'apparition de la maladie, mais plus fondamentalement du fait de l'orientation productiviste qu'elle a donnée à la politique agricole commune.

 

La publication le 6 février 1997 du rapport de la commission d'enquête du parlement européen sur l'encéphalopathie spongiforme bovine (ou maladie de la vache folle) a mis gravement en cause la responsabilité de la Commission européenne. Celle-ci a minimisé les risques sanitaires pourtant formellement reconnus par les experts depuis 1990. Elle a cédé aux pressions britanniques et n'a pas joué son rôle afin de protéger la santé des consommateurs. Le Parlement européen a donc voté une motion de censure contre la Commission de Bruxelles le 19 février 1997 après avoir souligné sa responsabilité dans l’affaire de la vache folle, et pour avoir tardé à prendre les mesures qui s'imposaient une fois la maladie en évolution.

 

Plus fondamentalement, la Commission porte une grande part de responsabilité dans les origines mêmes de la crise, du fait de l'orientation productiviste qu'elle a donné à la politique agricole commune. La politique agricole commune a permis la modernisation de l'agriculture européenne afin de parvenir à l'autosuffisance. Le principe de la préférence communautaire a permis la réalisation de cet objectif car il fallait garantir aux agriculteurs un prix attractif.

 

Mais le credo idéologique de la Commission européenne en faveur des vertus du libéralisme et du libre-échangisme, au sein d'un marché mondial destiné à s'uniformiser, a orienté progressivement vers une rentabilité toujours plus grande et une agriculture intensive polluante, nuisible pour l’environnement.

 

On a poussé donc à la production par tous les moyens, chimiques et mécaniques pour s'adapter à l'ouverture des frontières. Comme les prix agricoles devenaient totalement déconnectés de leurs prix de revient réel, il a fallu aider les agriculteurs par des subventions à l'exportation pour faire face à la concurrence, les prix européens étant supérieurs.

 

Au lieu d'encourager la production d'oléo-protéagineux (lupin, colza, tournesol), la Commission a autorisé l'importation, sans prélèvements douaniers, de soja, oléagineux et produits de substitution aux céréales. Les agriculteurs importaient des produits de substitution aux céréales peu chers, ou ont commencé à utiliser des farines animales (moins chères que le soja) au début des années 1980 afin d'accélérer la croissance. La course à la productivité a conduit a utiliser non seulement des farines animales, mais aussi (en France) des boues. Au-delà du non sens de transformer des animaux herbivores en carnivores, ceci a déclenché des désastres sanitaires avec en particulier l'apparition de la maladie de la vache folle. Elevages intensifs, usage de pesticides, introduction des farines animales, des boues, des hormones et antibiotiques sont ainsi utilisés comme stimulateurs de croissance. La concurrence qui existe entre les grandes sociétés agro-alimentaires débouche sur la nécessité de produire le moins cher possible, quel qu'en soient les moyens, et peu importe si cela a des conséquences fâcheuses sur la qualité des produits ou la destruction de l'environnement (sols, ressources en eau, qualité de l'air) .

 

Plus tard, sans aucun contrôle démocratique, la Commission a cédé aux pressions américaines lors des négociations du GATT et des accords de Blair House en 1992 : accusée par les États-Unis de mener une politique agricole encore trop protectionniste, la Communauté a dû accepter de réformer ses droits de douane frappant les importations agricoles et l'Europe a dû plafonner les superficies pouvant être consacrées à la culture du colza, du tournesol, du soja alors qu'elle était déjà en dépendance des oléoprotéagineux pour l'alimentation du bétail. Les tourteaux de soja et produits de substitution aux céréales d'origine américaine (en majeure partie d'origine transgénique) pénètrent ainsi en Europe sans aucun droit de douane.

 

Les différents forums de représentation des multinationales, la Table Ronde Européenne des Industriels (ERT), l’Organisation des Employeurs Européens, UNICE, la Chambre de Commerce Internationale (CCI), le Transatlantic Business Dialogue (TABD) font pression sur la politique de la Commission européenne. Celle-ci a favorisé la main mise du complexe génético-agroalimentaire sur les organismes génétiquement modifiés, qui compte breveter le vivant, libéraliser complètement le marché en se libérant de tout tarif douanier. La Commission a favorisé un système productiviste, non durable, au bénéfice des lobbies agroalimentaires, avec course à la rentabilité. Cette rentabilité se fait au détriment de l'environnement, des mesures de protection sanitaire, de la qualité de l'agriculture et de la protection de la santé des consommateurs. Ainsi les lobbies agroalimentaires arrivent progressivement à contrôler le marché, et même à développer des technologies biocides type "Terminator" qui empêchent la semence de germer après la récolte, ce qui aurait contraint l'agriculteur, de plus en plus dépendant de ces lobbies agroalimentaires, à acheter de nouvelles semences. Ainsi une politique agricole intensive conduit à une politique mortifère. Il existe d’autres technologies dites « de restriction » qui affaiblissent certains traits naturels des plantes. Pour qu’elles poussent correctement, il est nécessaire d’utiliser un produit chimique fourni par le semencier. Les agriculteurs utilisant ces semences sont pris en otage par les multinationales des biotechnologies qui s'approprient ainsi le  bien commun de l'humanité. Ces biotechnologies sont ainsi susceptibles de ruiner l’agriculture du Tiers Monde.

 

La Commission européenne doit entreprendre une réforme de la politique agricole, c'est l’agenda 2000. Dans une optique de libération et d'ouverture des marchés avec intensification de la production, cette réforme doit accentuer la course à l’exportation, au rendement et à une politique de plus en plus intensive afin de s'adapter aux prix mondiaux. C'est le premier volet de l’agenda 2000.

 

On sait que le traité de Maastricht fait des déclarations de bonnes intentions en voulant faire de l’Europe un modèle de coopération et de solidarité entre les Etats et les peuples par un développement économique harmonieux et équilibré dans l’ensemble de la Communauté. Mais il instaure par ailleurs une économie de marché tota­lement ouverte où la concurrence est libre, et la montée du chômage en est la conséquence. D'une manière similaire, l’Agenda 2000 comporte à l’intérieur de la P.A.C. un second volet consacré au développement rural et à la politique agro-environnementale, ce qui reste une intention louable, tel le développement économique de l'Europe, mais incompatible avec l'idéologie du premier volet.

 

C'est donc à juste titre que bon nombre d'organisations agricoles demandent l'abandon d'une politique agricole intensive (le premier volet de l’agenda 2000) pour s'engager vers un développement rural tel qu'il est proposé dans le deuxième volet de l'agenda 2000, en recentrant l’agriculture européenne sur une vocation de qualité et de sécurité alimentaire qu'ignore toute politique intensive et productiviste.  Elles demandent ainsi l'interdiction de l'utilisation des antibiotiques dans l’alimentation des animaux d’élevage, des hormones, des farines animales, des O.G.M., des produits phyto-pharmaceutiques dont la toxicité est établie (pesticides de synthèse) et la capacité d’être autosuffisant en oléoprotéagineux. Loin de chercher à répondre aux besoins d’un marché mondial, ce qui nécessite comme actuellement de subventionner une course effrénée à la productivité, l’Europe devrait satisfaire la demande intérieure avec un souci de qualité et de protection de l’environnement.

 

La mondialisation de l'économie sur le mode d'une régionalisation avec constitution d'une douzaine de grands ensembles économiques doit amener à ce que chaque ensemble régional protège son agriculture, par une protection à l'importation, préserve la qualité de la production et la sécurité alimentaire, préserve l'environnement et la biodiversité.

 

Mode de développement durable, suppression des subventions à l’exportation, préservation du marché intérieur, protection à l’importation, principe de souveraineté alimentaire, valorisation de la qualité de la production, principe de précaution, valorisation du développement local au lieu de promouvoir l’exportation, prix représentatifs du coût véritable d’une production durable, inciter à la protection de l’environnement, tels devraient être les grands principes d’une réforme de la PAC.

 

 

 

 

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