LA MYTHOLOGIE GRECQUE
Nous allons maintenant revenir aux sources de l'Europe : revisiter la
mythologie grecque. J'ai retenu ici quelques mythes grecs,
représentés dans plusieurs schémas, avec un fil
conducteur. Le premier et
le second schémas retracent l'origine des
dieux et mettent d'emblée en évidence l'inceste du
deuxième type, avec d'une part Aphrodite, et d'aute part
Hélios. En sont issus, du côté d'Aphrodite, Harmonie, épouse de Cadmos,
frère d'Europe, et du côté d'Hélios, Pasiphaé, épouse de Minos, fils
d'Europe. Nous détaillerons donc la généalogie de
Cadmos et Harmonie, et celle d'Europe. Pour compléter la
généalogie d'Europe,
nous verrons la lignée de Bélos,
oncle d'Europe. Pour terminer avec Oedipe, descendant de Cadmos et
d'Harmonie, nous aborderons la
généalogie de Pélops
et celle du Sphinx.
En lecture complémentaire, je vous renvoie à Athanassiou-Popesco, Nicolaidis et Héritier (voir la bibliographie) qui m'ont en partie inspiré.
I - Première lecture
: De la loi au nom de la Mère à la loi au nom du
Père
1/ La loi au nom de la Mère
Au début était le Chaos. Dans ce Chaos, qui fait
référence au noyau psychotique, tout est flou,
indifférencié, non séparé. Puis vint Eros
et la Grande déesse mère, Gaia,
la Terre. Celle-ci
enfante Ouranos, le Ciel, son animus
primitif, archaïque et
sauvage, avec qui elle s’accouple sans cesse. Ouranos, né
de Gaia, est un dieu terrible et violent qui, par crainte de rivaux, se
méfie de sa progéniture (qui fait partie de la
première génération des dieux),
caractérisée par la démesure et le monstrueux :
les Titans (dont Chronos, Hypérion, Japet, Océan), les
Titanides (dont Rhéa, Théia, Téthys,
Thémis), les cyclopes et les géants aux Cent-Bras (les
Hécatonchires). Redoutant donc d'être
détrôné, il cache ses enfants au plus profond de
Gaia, dans le Tartare. Il est dans la toute puissance pour s'assurer de
la maîtrise totale de l’univers.
Gaia finit par se révolter et prépare une machination
qu’un de ses enfants, Chronos, va exécuter : elle incite
son fils Chronos à châtrer son père, et il le
détrône ainsi.
Les parties d’Ouranos tombent dans la mer : ainsi naquit
Aphrodite. Des éclaboussures
sanglantes tombent sur Gaia et la
fécondent, donnant en particulier naissance aux Erinyes, les
trois divinités vengeresses qui poursuivent leurs victimes
coupables d'offenses contre la société tels que les
crimes contre la famille et le parricide. Elles sont les protectrices
de l'ordre social.
Le couple Chronos - Rhéa reproduit la relation incestueuse de
Gaia - Ouranos. Chronos reprend l’attitude de son père.
Chronos avale tous ses enfants (Hestia,
Déméter,
Héra, Poséidon) car il craignait d'être
détrôné un jour par l'un d'eux (Ouranos et Gaia ont
prédit qu'il serait détrôné par un de ses
enfants), sauf Zeus que Rhéa réussit à cacher en
Crète (le type même de l’île consacrée
aux grandes déesses mères) en donnant une pierre
emmaillotée dans un linge à avaler à
Chronos. Zeus plus tard détrônera son père.
Aidé par Métis, la Sagesse, il lui fera régurgiter
tous ses enfants (les frères et sœurs de Zeus) pour
ensuite lutter, avec les cyclopes et les géants aux Cent bras,
contre les Titans et les Géants fidèles à Chronos.
Chronos partira en exil, mais une fois son périple
achevé, sa réalité intérieure
explorée, le plomb transformé en or, il sera accueilli
par Janus, le dieu à double face, et sous son règne
s’épanouira l’âge d’or.
2/ La loi au nom du Père
Les Titans ayant été enfermés dans le Tartare, les
géants se révoltèrent contre Zeus (qui fait partie
de la seconde génération des dieux). Nés de
Gaïa, les géants sont des êtres monstrueux, d'aspect
terrifiant, d'une force invincible, et ils menacent Zeus pour venger
les Titans. Ils ne pouvaient être tués que par
l'association d'un dieu et d'un mortel. Zeus et Athéna furent
les principaux adversaires des géants, et les dieux sortirent
vainqueurs grâce à l'aide d'un mortel,
Héraclès. Pour se venger de
l'extermination de ses
enfants, Gaia mit au monde un monstre gigantesque, Typhon. Dans une lutte
terrible, Typhon, bien que blessé, réussit à
couper les tendons des mains et des pieds de Zeus qui ne pouvait ainsi
plus bouger (Œdipe et les pieds). Grâce à Pan et
Hermès, Zeus retrouve ses tendons et répare la
mutilation. Il pu alors vaincre Typhon, symbole de l'ordre matriarcal
primitif.
Premier d’entre tous les dieux, Zeus
est le dieu protecteur de l’ordre social. Sa foudre illumine le
monde qu’il met en ordre. Mais c’est aussi un dieu
fécondant par la pluie qui tombe du ciel et il est aussi le dieu
de la divination : il se met au service de son féminin, de son
anima, pour féconder ou établir le contact avec ce qui
échappe à l’ordre du rationnel. Du reste, tout lui
obéit, sauf les trois Moires (les Parques des Romains), les
divinités du destin qui produisent, tissent puis coupent le fil
de la vie.
Sa mère Rhéa lui ayant interdit de se marier, pris de
colère, il menaça de la violer. Elle se changea alors en
serpent mais Zeus fit de même et s'unit à elle.
Zeus échappera à l'oracle qui lui avait prédit
qu'il serait détrôné par le fils qu'il aurait de
Métis : Métis enceinte d'un fils, Zeus l'avala. Quelques
temps après, pris de violents maux de tête, il demanda
à Héphaistos de faire une brèche dans son crane :
ainsi naquit Athéna, porte parole de Zeus, déesse de la
Sagesse.
Thémis, fille d'Ouranos et de
Gaïa, sera la seconde
conquête de Zeus, elle est la déesse de la loi et de la
justice. Elle donnera naissance aussi aux Moires.
C'est à la suite du procès d'Oreste, descendant des
Atrides, que les Erinyes
acceptèrent de jouer le rôle de
gardiennes de la justice, et qu'elles prirent le nom
d'Euménides, les bienveillantes. Oedipe est également
accueilli par les
Euménides. L'ordre au nom de la
Mère (les Erinyes) cède la place à la Loi au nom
du Père (les Euménides, Athéna). Athéna
porte en effigie sur son miroir la tête de Méduse vaincue
par Persée. Elle soutient le droit, porte le miroir de la
vérité, de la reconnaissance intérieure, du
pardon, de la vision de sa propre psyché. Des Erinyes à
Athéna, on passe de la loi au nom de la mère à la
loi au nom du père, à la loi du pardon. Les Erinyes (les
furies) deviennent les Euménides, les pulsions sauvages et
archaïques se sont progressivement transformées, nous
sommes passés d’un féminin primitif et
archaïque à la loi du père, le Nom du père,
également incarné par Apollon, le dieu solaire, garant de
l’ordre.
Rhadamante, fils d'Europe, se rendait tous
les neuf ans à la
caverne de Zeus pour en ramener une nouvelle série de lois. Il
était renommé comme législateur et deviendra l'un
des trois juges des Morts.
La loi du père règne également dans le monde des
morts.
Alcmène et Rhadamante seront accueillis à
l'Olympe.
Zeus permet donc la mise en bon ordre dans le monde, en rompant avec
l'ancien ordre matriarcal pour établir les lois et
accéder à l'ordre symbolique. Prométhée
fut
condamné par Zeus a être exposé sur un rocher et un
aigle, issu de Typhon et Echidna, venait
dévorer chaque jour son
foie. Prométhée
passe pour avoir créé les hommes, tandis que Zeus avait
projeté de les exterminer. C'est également
pour les hommes que Prométhée
avait trompé Zeus par un subterfuge (Prométhée incarne ici un aspect
du Puer encore fortement lié à la mère
archaïque, d'où la généalogie
particulière de cet aigle).
Puis, en dérobant le feu
pour le donner aux
hommes,
Prométhée n'était qu'un père nourricier.
Par la ruse, Prométhée pensait pouvoir se dispenser
d'accéder à la loi. Mais il
avait à devenir un père enseignant. Son demi
frère, Phaéton (issu d'un
inceste du deuxième type : Helios avec deux
soeurs, alors que Prométhée est issu d'un inceste fille-oncle) avait
été
élevé par Clyméné dans l'ignorance du
père. Il fut foudroyé par Zeus car il se
révéla incapable de maîtriser le char
d'Hélios. Avec Prométhée ou Phaéton,
la fonction symbolique du père n'est pas mature. Lorsque
Héraclès délivra
Prométhée en tuant
d'une flèche l'aigle, c'est grâce à Chiron, celui
qui enseigne et éduque, que Prométhée pu devenir
à son tour un guide. Prométhée
devint immortel et se
réconcilia avec Zeus, ce d'autant qu'il révéla
à Zeus une prophétie selon laquelle l'enfant qu'il aurait
de Thétis serait plus puissant que lui (voir ci-dessous).
II - Seconde lecture : le
clivage amour - haine
Au début était le chaos, la non différenciation du
masculin et du féminin. Ouranos émerge de Gaïa, mais
ce masculin n'est que l'animus archaïque de la grande
déesse mère. La fécondité monstrueuse et
anarchique du couple primordial prend fin avec la castration d'Ouranos
dont sont issues deux sœurs à la fonction totalement
opposée, Aphrodite (qui fait
partie des Olympiens) et les
Erinyes. C'est le clivage entre l'amour et la haine. La liaison entre
Aphrodite et Arès rappelle la
confrontation entre sentiments
d'amour et de haine. De cette liaison naît Harmonie, femme
de Cadmos. Harmonie est tel l'enfant qui,
après la position
dépressive, se reconnaît comme sujet total, et en qui
cohabite les deux pulsions fondamentales qu'il doit assumer et ne plus
projeter. Il entre dans un rapport au différent, même s'il
existe toujours la tentation d'un retour au même,
représentée par l'inceste, la relation entre Arès
et Harmonie qui engendrent ainsi les Amazones (celles-ci
représentant au travers de la blessure du masculin, la négation du
Nom du père : elles
tuaient ou mutilaient les enfants
males à la naissance, les aveuglant ou les rendant
boiteux).
III - Troisième lecture :
inceste, prise de conscience et conséquence
Si l'inceste occupe une place prépondérante dans la
généalogie des dieux, je me pencherai tout
spécialement sur l'inceste du deuxième type (voir le
livre de Françoise Héritier, Les deux soeurs et leur
mère), une femme (Aphrodite)
avec
deux frères (Arès et Héphaistos), un homme
(Hélios) avec deux sœurs
(Clyméné et
Perséis).
L'inceste premier est l'inceste du deuxième type. Il fonde
l'inceste habituel, celui entre un fils et sa mère, une fille et
son père, un frère et une sœur. L'inceste du
deuxième type concerne un homme avec deux sœurs, une femme
avec deux frères, deux frères avec deux sœurs, un
homme avec la fille de son épouse, une femme avec le fils de son
époux. L'inceste définit un rapport au même,
également représenté par les jumeaux ennemis,
où l'autre n'existe pas. Il y a confusion des
générations, non séparation, non
différenciation du moi par rapport à l'autre. C'est le
retour au Chaos, à l'Un primordial où tout manque est
comblé, un retour à l'ubris fondamentale, à la
toute puissance, au cannibalisme. Clonage et désir
d'immortalité font également référence au
désir incestueux. L'inceste bloque l'accès au symbolique.
C'est la conjonction confusion des opposés, que l'on retrouve en
politique au travers du condominium social libéral, la non
différenciation du masculin et du féminin, avec
volonté de pouvoir et son désir d'uniformisation car
l'autre n'est pas vu et la diversité de l'autre ne peut
être reconnu.
L'inceste est certes une prérogative des dieux, et il est
omniprésent dans la première génération des
Olympiens, mais nous verrons Zeus progressivement s'en extraire. Il
faut ici évoquer le dernier désir que Zeus éprouva
pour une immortelle, Thétis. Deux frères, Zeus et
Poséidon, tombent tous deux amoureux de Thétis
(menace
d'inceste du deuxième type). Mais un oracle avait prédit
que le fils qui naîtrait de Thétis deviendrait beaucoup
plus puissant que son père (ce qui n'est pas sans évoquer
une symbolique oedipienne). Thétis est la fille de
Nérée et Doris. On retrouve un inceste du deuxième
type puisque deux frères (Nérée et Thaumas) ont
épousé deux sœurs (Doris et Electre). Les deux
frères sont issus d'un inceste entre Gaïa et son fils
Ponthos tandis que les deux sœurs sont issues d'un inceste entre
frère et sœur, Océan et Téthys. Les deux
frères renoncèrent à Thétis (le risque d'un
inceste du deuxième type est évité) qu'ils
donnèrent en mariage à un mortel, Pélée (la
succession de liaisons incestueuses est rompue, et passer du monde des
immortels au monde des mortels équivaut à un processus
d'exogamie). C'est alors que Zeus renonça définitivement
à s'unir avec une immortelle.
Revenons donc à Aphrodite.
Celle-ci est mariée à
Héphaïstos mais a pour amant le frère de ce dernier,
Arès, le dieu de la guerre de la démesure. Arès
est le dieu de la guerre
et du carnage, de la démesure, le feu brulant et
dévastateur, en opposition
à Héphaïstos, le dieu du feu et de la
métallurgie, ce qui n'est pas sans évoquer le travail
alchimique. Suite à l'assoupissement d'un guetteur (Alectryon)
chargé de signaler à Arès l'approche du jour, les
deux amants furent surpris un matin par le soleil Hélios, qui
rapporta l'aventure à Héphaïstos. Celui-ci
prépara secrètement un piège, un filet magique.
Une nuit où les deux amants étaient réunis dans le
lit d'Aphrodite, Héphaïstos referma le filet sur eux, et
appela tous les dieux de l'olympe à assister au spectacle.
Finalement, Héphaïstos consentit à retirer le filet,
et la déesse Aphrodite s'enfuit toute honteuse.
Aphrodite se vengera sur descendance d'Hélios au travers de
Pasiphaé, femme de Minos, en lui
inspirant des amours
monstrueuses avec un taureau, union de laquelle naquit le Minotaure.
Héphaïstos se vengera sur la descendance d'Harmonie, fille
d'Arès : pour le mariage de Cadmos et d'Harmonie,
Héphaïstos (et Athéna) offrit comme cadeau un
collier imprégné d'un philtre qui empoisonna la
descendance de Cadmos (et ce
jusqu'à la descendance
d'Œdipe : un de ses fils, Polynice, utilisera ce même
collier pour déclencher une guerre contre Thèbes). Cadmos
quant à lui doit se mettre au service d'Arès pendant huit
ans pour avoir tué le serpent-fils d'Arès.
Cet épisode avec Aphrodite marque une rupture pour plusieurs
raisons :
. Il s'agit de l'inceste premier, l'inceste du deuxième type
(une femme avec deux frères)
. Aphrodite est la déesse de l'amour
. L'inceste est révélé grâce à
l'assoupissement d'un guetteur (Alectryon) chargé de signaler
à Arès l'approche du jour (relâchement du
contrôle mental permettant l'irruption de l'inconscient)
. L'inceste est révélé par Hélios,
le soleil,
celui à qui rien n'échappe, ce qui ne peut être
occulté (prise de conscience) qui lui-même commet un
inceste du deuxième type avec la sœur
(Clyméné) de sa femme (Perséis) : Hélios
fait en effet parti de la première génération des
dieux, avec les titans, et est donc encore subordonné à
l'archétype de la grande déesse mère (on trouve du
reste trois magiciennes dans sa descendance, Pasiphaé,
Circé et Médée).
. Les deux amants sont pris dans un piège et la prise de
conscience engendre la culpabilité.
. Ils sont montrés à la foule des dieux et la prise
de conscience engendre la honte.
. L'inceste entraîne une malédiction sur la descendance.
IV - Quatrième lecture :
meurtre, inceste et cannibalisme
Les pulsions sauvages, archaïques et primordiales gisent au fond
de tout être humain. Les pulsion orales renvoient au
cannibalisme. Les pulsions anales au meurtre. Les pulsions
génitales à l'inceste.
Les dieux considéraient Tantale,
fils de Zeus, comme
supérieur à tous les mortels. Il mangeait à leur
table sur l'Olympe, et les dieux vinrent même une fois
dîner dans son palais. Pour vérifier leur omniscience
divine, Tantale tua son fils unique Pélops, le fit cuire dans
une marmite et le servit à l'occasion du banquet. Mais les dieux
se rendirent compte de la nature de cette nourriture. Ils
ressuscitèrent Pélops et inventèrent un supplice
terrible pour Tantale. Il fut pendu pour l'éternité
à un arbre dans le Tartare et affligé d'une soif et d'une
faim inextinguibles. Chaque fois qu'il se penchait pour boire de l'eau,
la fontaine disparaissait. L'arbre auquel il était pendu
regorgeait de poires, de pommes, de figues, d'olives mûres et de
grenades, mais quand il voulait en saisir une, le vent écartait
les branches (auparavant, Tantale s'était parjuré pour ne
pas livrer à Hermès le chien magique, en or, de Zeus).
Adulte, Pélops se mit en quête
d'un royaume.
Il se mesure au roi Oenomaos, fils d'Arès (qui lui avait
donné des chevaux divins). Le roi refusait de donner la main de
sa
fille Hippodamie, elle était si belle qu'il ne
pouvait s'en
séparer (témoignant d'un lien incestueux
père-fille), et de plus un oracle lui avait prédit qu'il
périrait des mains de son gendre. Bien que protégé
par Poséidon, Pélops perdit courage à la vue des
prétendants malheureux, décapités. Il eu recours
à la ruse et la traîtrise pour être sûr de
triompher. Il soudoya Myrtilos, le cocher du char d'Oenomaos. Le char
du roi se renversa, tuant ce dernier. Refusant d'acquitter sa dette,
Pélops se rendit coupable d'un meurtre à l'encontre de
Myrtilos qui, avant de mourir, maudit Pélops et sa descendance
(en découle en particulier la séduction de Chrysippe
par Laios).
Pélops est père de deux
jumeaux, Thyeste et Atrée,
qui se disputent le trône de Mycènes. Ayant
découvert que sa femme couchait avec Thyeste (inceste du
deuxième type), Atrée tue les trois enfants de Thyeste,
prépare un repas avec leurs corps et offre ce festin à
Thyeste (vengeance d'un inceste par du cannibalisme) puis montre les
trois têtes coupées. Pour se venger,
et après avoir consulté un oracle, Thyeste s'unira
à sa propre fille Pélopia. De cette union incestueuse
nait Egisthe qui perpétuera les traditions familiales
incestueuses.
V - Cinquième lecture :
Zeus et la quête de l'anima
Les amours de Zeus montrent combien il lui faudra s’extraire de
l’inceste pour développer son anima. S’il est
mariée à Héra, il court après toutes les
femmes, figures de son anima non assumée et projetées sur
toutes les femmes.
1/ Les unions divines
a/ Nous avons déjà vu les deux premières unions de
Zeus avec Métis puis Thémis.
b/ Zeus séduit Léto qui
mettra au monde des jumeaux,
Artémis et Apollon. Artémis est la déesse de la
fécondité. Elle resta vierge, le type de la jeune femme
farouche, se plaisant seulement à la chasse. Elle dompte les
animaux sauvages, elle maîtrise les forces pulsionnelles et
animales de la psyché. Si elle est une personnification de la
Lune, l'épiphanie de son masculin en fait une déesse
libérée du joug de l'homme.
Apollon, le dieu solaire, est le garant de l’ordre,
représentant l’expression de l’idéal moral et
religieux des grecs, le dieu guérisseur et purificateur, le dieu
de l’inspiration prophétique et poétique, celui
qui, met bon ordre dans l’âme humaine par le rêve
incubatoire et les subtiles harmonies de la musique sous
l’inspiration des Muses.
Le couple divin Artémis et Apollon, frères et
sœurs, jumeaux
de surcroît, représente symboliquement l'union du
masculin et du féminin, en opposition à la syzygie
primitive représentée par l'ouroboros, le dragon. De
fait, Artémis et Apollon tuèrent le dragon chargé
par Héra de poursuivre Léto. Ils tuèrent aussi
Tityos, le géant monstrueux qu'Héra déchaîna
contre Léto et qu'il cherchait à violer.
c/ Avec sa sœur Déméter,
Zeus a Perséphone.
d/ Avec Héra, sa sœur qu'il
viola, et qui deviendra son
épouse légitime, il aura Héphaïstos, et
Arès (dont la plupart des enfants sont des monstres). Zeus et
Héra se chamaillaient continuellement. Protectrice des
épouses, Héra poursuit de sa haine les amantes de Zeus et
leurs enfants.
e/ Avec la Nymphe Maïa, Zeus eu
Hermès
f/ Avec Plouto, fille de Chronos ou d'Atlas,
Zeus eu Tantale.
g/ En renonçant à s'unir avec Thétis,
Zeus renonça définitivement à s'unir avec une
immortelle. Zeus se dégage symboliquement du lien incestueux
à la mère pour engager sa quête de l'anima.
Commence alors les amours avec des mortelles (processus d'exogamie).
2/ Les amours avec des mortelles
a/ Avec Antiopé, Zeus aura les
jumeaux Amphion et Zethos
b/ Egine aura de Zeus Eaque, un des trois juges des morts avec Minos et
Rhadamante parfois cité comme seul juge).
c/ Europe aura
de Zeus Minos, Rhadamante et
Sarpédon.
d/ Sémélé aura de Zeus
Dionysos
e/ Danaé aura de Zeus Persée.
f/ Alcmène aura de Zeus
Héraclès.
VI - L'androgynie psychique
Nous allons avoir un aperçu de
l'androgynie psychique avec le couple Ariane-Dionysos, et
Hermès-Aphrodite. On pourrait ajouter Alcmène-Rhadamante.
Aphrodite aurait porté le nom du
dieu-déesse Aphroditos,
Aphrodite androgyne à Chypre. Dans les dieux androgynes, on
trouve donc Aphrodite, mais aussi Dionysos et Hermès.
Hermès, Dionysos, et Apollon (par son oracle) sont les dieux du
monde de l'invisible. Dionysos garde le sanctuaire de Delphes en
l'absence d'Apollon.
Dionysos est un dieu androgyne. Il est le
fils de
Sémélé (fille de Cadmos) et de Zeus.
Conseillée perfidement par Héra,
Sémélé demanda à Zeus de se
révéler à elle dans sa toute puissance.
Sémélé enceinte est foudroyée par Zeus dans
sa gloire. Mais Zeus réimplante son fils dans sa cuisse avec
l'aide d'Hermès. Dionysos accède à la naissance
après l’épreuve de la mort in utero. Il est le deux
fois né, il a été engendré puis ré
engendré.
Dionysos est la divinité de la fécondité, de
l’orgie, de l’ivresse, de la folie, de l'extase divine.
Dans d’autres versions du mythe, Dionysos subit un
démembrement, passe par la mort pour accéder à la
vie. C'est alors un dieu à passion, il est
démembré par les Titans puis mis à cuire dans un
chaudron. Cette mise à mort est suivie d'une réapparition
glorieuse. Cette passion n'a pas de caractère agraire ou
saisonnier (comme Adonis). C’est en passant par
l’épreuve de la mort que Dionysos accède à
la connaissance, à l’union de l’âme à
son dieu, procurant l’ivresse divine. Le refus conscient de cette
ascension de l’âme vers les sphères célestes
peut conduire à la folie meurtrière (c’est pourquoi
Dionysos apparaît aussi comme la divinité de la folie ou
du cannibalisme (pulsions les plus archaïques témoignant du
retour du sacré refoulé, de la résistance du moi
à s’ouvrir au sacré, au Soi). C’est ainsi que
Penthée, roi de Thèbes, petit
fils de Cadmos et
d’Harmonie, et ancêtre de Jocaste, refuse de
reconnaître le culte voué à Dionysos. Il s’y
rend néanmoins en cachette, déguisé en femme (il
mime l'androgynie, sans passer par l'expérience
intérieure), pour voir ce qui s’y passe et grimpe sur un
pin. Il est repéré, des femmes qui participent au culte
(dont sa mère) le font tomber et le mettent à mort en le
déchiquetant, puis le mangent.
Dionysos réunit en lui les contraires.
Dionysos rencontre Ariane (fille de Minos
et de Pasiphaé)
abandonnée par Thésée : c'est la restauration du
couple divin, noces sacrées, union de l'âme et de
l'esprit. Ariane (comme Sémélé) acquiert
l'immortalité. Les noms d’Ariane et d’Aphrodite
étaient parfois associés sur des lieux de culte. Dionysos
et Ariane réalisent chacun leur androgynie psychique. Ariane
accède à la dimension sacrée de l'existence.
Ariane est emmenée à l'Olympe.
Hermès peut se rendre invisible,
il est rusé, a un
côté facétieux. S'il est un guide, il peut aussi
conduire à l’errance. C'est le dieu de la structuration et
du bon ordre du monde, à partir duquel on prend la bonne route.
En tant que psychopompe, il guide les âmes après la mort.
Aphrodite est la personnification de l'âme du Monde, symbole du
lien à une transcendance
qui est en même temps le
tréfonds de notre être mais qui restera à jamais
inconnaissable même si elle peut en quelques occasions
partiellement se dévoiler dans notre monde limité par l'espace-temps.
VII - La mise en ordre du monde
Eros émerge du chaos primitif en même temps que Gaïa.
S'il est la personnification du dieu de l'amour, il assure
également la cohésion du monde. Or le bon ordre du monde
est rapidement menacé avec la révolte des géants,
contre qui se dressent principalement Zeus et Athéna, avec
l'aide essentielle d'un mortel, Héraclès. L'ordre
de la force brute et primitive contre la loi au nom du Père,
l'opposition déjà notée entre Arès et
Athéna. Pourquoi Héraclès ? Avec Alcmène,
la dernière femme séduite par Zeus, ce dernier atteint un
degré élevé d'intégration de son anima, le
processus d'érotisation de sa conscience est avancé. De
cette union où Eros représente aussi bien l'union de
l'homme et de la femme, que l'androgynie psychique, naît
Héraclès. Héraclès,
fruit de cette union,
peut alors prendre part au combat contre les géants, et
participer à la remise en ordre du cosmos.
VIII – Europe
1/ Europe enlevée par Zeus
Europe est la fille d'Agénor, et la
sœur de Cadmos. Agénor est issu d’un inceste du second type (Poséidon avec deux soeurs). Par
ailleurs, il manifestait un attachement
possessif envers sa fille, refusant de la laisser à un autre
homme. Si l'on remonte la
généalogie d'Agénor du côté maternel,
on retrouve déjà un lien incestueux entre Io et son
père à qui elle demande l'autorisation pour s'unir
à Zeus, suivant l'injonction d'un rêve.
Un
matin, le dieu Zeus la vit et en tomba amoureux. Prenant l'aspect d'un
beau taureau, il s'approcha d'elle et s'arrangea pour qu'elle monte sur
son dos. Il fonça alors vers la mer et la transporta dans
l'île de Crète puis se transforma alors en aigle avant de
s'unir à Europe. Elle eut trois enfants, dont Minos et
Rhadamante, qui devinrent tous les deux juges des morts. A sa mort,
Europe reçoit les honneurs divins.
2/ Cadmos à la recherche d'Europe
Europe ayant donc été enlevée par Zeus,
Agénor, le père de Cadmos lui enjoignit d'aller la
rechercher et de ne revenir que si il la retrouvait. Cadmos consulta
l'oracle de Delphes ; celui-ci lui conseilla d'abandonner cette
recherche (renoncement à l'inceste avec sa sœur),
pour suivre une génisse et fonder une ville à l'endroit
où elle s'arrêterait. Près du site indiqué
par la génisse, Cadmos trouva un
dragon, un python (né
d’Arès). Sur ordre d'Athéna, il tua le dragon et
ramassa les dents du dragon (pulsions archaïques, mêlant
inceste et cannibalisme) et les jeta dans son dos : se lèvent
des géants qui s'entre-tuent jusqu'à ce qu'il en reste
cinq qui vont devenir les fondateurs de Thèbes, sous
l'autorité de Cadmos.
3/ Cadmos et Harmonie
Mais, pour avoir tué le dragon, animal sacré
d'Arès, Cadmos connut huit ans de servitude avant d'être
couronné roi de Thèbes et d'épouser Harmonie,
fille d'Arès et d'Aphrodite (union de l'amour et de la haine).
Harmonie est par ailleurs issue
d’un inceste du second type. Les dieux assistèrent à ce
mariage, mais, pour se venger
d'Arès par l'intermédiaire de sa descendance,
Héphaïstos offrit comme cadeau un collier
imprégné d'un philtre qui empoisonna la descendance de
Cadmos.
Vers la fin de leur vie, Cadmos et Harmonie abandonnèrent
Thèbes dans des conditions mystérieuses. Pour plaire
à Arès, Cadmos laissa le trône à son
petit-fils
Penthée (et non à son fils
Polydoros). Cadmos et Harmonie seront,
à leur mort, transformés en
serpent et accueillis parmi les dieux aux Champs Elysées (le serpent représente
peut-être ici son versant symbolique de sagesse, tout comme le
cobra recouvrant la tête de Bouddha, en opposition à la forme primitive de l'union entre Zeus et Rhéa,
accouplés sous forme de serpent).
4/ Les enfants de Cadmos et Harmonie
Chtchonios, un des hommes semés par Cadmos,
a deux fils,
Nyctée et Lycos. L'éthymologie des hommes semés
peut aussi renvoyer
à "dispersés" ou "disséminés", ce qui est
en désordre, l'état chaotique, avec sa composante
cannibalique puisqu'ils sont issus des dents. Une part de Cadmos
reste liée à l’emprise du féminin
archaïque (dragon, inceste,
cannibalisme).
Nyctée a une fille Nyctéis qui
épouse Polydoros,
un fils de Cadmos. Ce sont les parents de Labdacos, grand père
d'Œdipe.
Nyctée a une autre fille Antiope
qu'il ne veut pas voir
mariée. Mais Zeus en tombe amoureux et l'enlève. Elle
aura de Zeus deux jumeaux, Amphion et Zethos. Par crainte de son
père, Antiope s’enfuit enceinte à Sycione. Atteint
par cette disparition, Nyctée se suicide après avoir
demandé à son frère Lycos de le venger et de punir
Antiope. Pour venger son frère, Lycos retrouve et fait
prisonnière Antiope. Il expose sur le mont Cithéron
(cette montagne était le théâtre des rites
dyonisiaques et l'endroit où le roi Laïos de Thèbes
abandonna son fils Œdipe) les deux jumeaux Amphion et
Zéthos pour qu'ils soient dévorer par les bêtes
sauvages. Mais ils seront sauvés par un berger. Enfermée
pendant de longues années, Antiope réussit à
s’échapper et trouve refuge sur le mont Cithéron,
auprès d’un berger, le père nourricier de ses
enfants. L’ayant reconnue, ces derniers vengent leur mère
en tuant Lycos.
Actéon sera dévoré par
les chiens d'Artémis
qu'il a surpris alors qu'elle était nue (il a vu la
nudité du féminin alors qu'il n'était pas
initié)
Penthée a été
dévoré par sa propre
mère car il refusait le culte de Dionysos (Cadmos et Tirésias, le vieux devin
aveugle, sont les seuls
hommes de la ville de Thèbes qui reconnaissent le dieu Dionysos).
Mélicerte et Learchos seront tous
deux tués par leurs
parents.
La régence de Thèbes revient à Polydoros (après la mort de Penthée), puis à Labdacos. Ce dernier mène une guerre contre Pandion. Pandion a deux filles, Philomène et Procné. Pour remporter la victoire contre Labdacos, Pandion obtient le soutien de Térée à qui il donne sa fille Procné en mariage. Mais Térée séduit sa belle-sœur Philomène en affirmant que Procné était morte, enferma cette dernière et lui coupa la langue pour l'empêcher de parler. Procné se vengera en tuant son propre fils et le donnera à manger à Térée (vengeance d'un inceste par du cannibalisme). Selon certaines versions, Labdacos aurait péri comme Penthée, dévoré par les bacchantes pour avoir combattu le culte de Dionysos. A la mort de Labdacos, c'est Lycos qui prend la régence de Thèbes. Mais Amphion et Zethos s'emparent de Thèbes, et Laios s'enfuit auprès de Pélops (une lignée marquée par l'inceste et le cannibalisme). Laios séduisit le fils de son hôte, Chrysippe (en l’initiant à l’art de la conduite des chars) lequel ensuite se suicida. Ceci vaudra à Laios la malédiction de Pélops révélée par l'oracle de Delphes : si Jocaste et Laïos engendrent un fils, ce dernier tuerait son père et épouserait sa mère. De plus, Héra envoya la Sphinge à Thèbes. On peut voir dans la généalogie de la Sphinge à quel point l'inceste y est redondant. Elle représente un symbole archaïque de l'objet combiné, où se mélange esclavagisme et cannibalisme.
Comme
Chronos est menacé par Ouranos, puis Zeus par Chronos,
Oedipe est menacé par le masculin.
La dévoration des
enfants par le père, l'exposition des enfants livrés aux
bêtes sauvages, témoignent de la même crainte du
parricide.
La lignée masculine
d'Oedipe est boiteuse : Labdacos
est boiteux, Laios (le gaucher) est
homosexuel.
Laois craint l’oracle. Jocaste du ennivrer son mari pour
qu’ils s’unissent. Laois tente de tuer oedipe à sa
naissance, puis en forcant le
passage avec son char (dont les roues blessent les pieds
d’oedipe). Après avoir tué son père sans le
savoir, Oedipe a commis
l’inceste sacré sans le savoir. En
s’aveuglant après avoir refusé de renoncer à
poursuivre son enquête sur le meurtre de Laios (ainsi que le lui
demande Jocaste), il reconnaît qu’il ne sait pas et
commence sa quête pour acquérir la connaissance,
accompagné par sa fille Antigone qui joue un rôle de guide
intérieur et extérieur. Il reconnu le lieu
décrit par un oracle comme le lieu où il devait mourir. Œdipe disparait aux portes d'un seuil mystérieux qui
s'ouvre devant lui, après avoir été accueilli par Thésée à
Colone, dans un
bois consacré aux Euménides. Les Erinyes, les trois divinités vengeresses issues
d'un principe archaïque,
s'humanisent pour devenir les Euménides, les Bienveillantes. Quant à Thésée, il instaure la démocratie à
Athènes, Oedipe devenant le protecteur de la cité. Jusqu’à
Thésée, le pouvoir se transmettait de
père en fils.
Après Thésée, le pouvoir se transmet de souverain
en souverain, le roi choisit celui qui lui parait le plus
digne.
Thésée organisera par ailleurs la défense
d'Athènes pour
combattre et défaire les Amazones.
5/ Généalogie de Bélos
Tandis qu'Agénor s'établissait en Syrie, son frère
jumeau Bélos régnait sur
l'Égypte. Il eut deux jumaux, Aegyptos, Danaos, et un
troisième fils,
Céphée. Aegyptos avait 50 fils, tandis que Danaos avait
50 filles. Les jumeaux se querellèrent à la mort de leur
père, puis Aegyptos proposa un mariage général
entre les 50 princes et princesses. Malgré leur fuite, Danaos
fut ultérieurement contraint d'accepter ce mariage
général. Devinant que les princes avaient l'attention de
tuer leurs épouses le soir de leur noce, chacune des princesses
poignarda son mari à minuit à l'aide d'une longue
épingle caché dans leurs cheveux. Sur le conseil
d'Artémis, seule Hypermnestre épargna la défi de
Lyncée car il avait respecté sa virginité. Leur
fils Abas légua son royaume a ses fils jumeaux Proetos et
Acrisios en leur demandant de gouverner à tour de rôle.
La virginité purifie de la menace d'inceste pour Hypermestre
(sur conseil
d'Artémis). De même, Alcmène se refuse à Amphitryon (issu d'un inceste du second
type, deux frères avec deux soeurs)
et est purifiée par une union spirituelle à Zeus.
Mais Proetos et Acrisios éprouvait entre eux la même haine
que leurs ancêtres Aegyptos et Danaos. Danaos avait une fille
unique, Danaé que Proetos avait
séduite. Un oracle
l'ayant prévenu qu'il serait tué par son petit-fils, il
fit enfermer sa fille. Malgré cela, Zeus pris la forme d'une
pluie d'or qui féconda Danaé, et celle-ci mis au monde un
fils dénommé Persée.
Lorsqu'il l'apprit, Acrisios
enferma la mère et le fils dans un coffre et les jeta à
la mer. Ils dérivèrent jusqu'à l'île de
Sériphos, où ils furent secourus. Persée y grandit
jusqu'à l'âge adulte. Polydectès, roi de
Sériphos, s'éprit de Danaé et, craignant que
Persée ne contrarie ses plans, l'envoya chercher la tête
de la Gorgone Méduse, monstre dont
le regard changeait les
hommes en pierre.
Aidé par Hermès, messager des dieux, Persée se
rendit chez les Grées, trois vieilles fées qui se
partageaient un seul œil. Grâce à elles, et parce
qu'il leur avait dérobé momentanément leur
œil unique, il put savoir où se situaient les nymphes du
Nord. Il reçut des nymphes des sandales ailées, un sac
magique qui pouvait contenir tout ce qu'on y mettait et un casque pour
le rendre invisible. Hermès lui donna une épée qui
ne pouvait se tordre ni se casser, et la déesse Athéna,
un bouclier qui lui éviterait d'être changé en
pierre. Persée trouva alors Méduse et la tua. Invisible
grâce à son casque, il échappa à la
colère des sœurs de Méduse et, ayant mis la
tête de celle-ci dans le sac, il s'envola grâce aux
sandales ailées pour retourner chez lui.
Athéna permet au héros de se confronter à
l’aspect sombre de la Grande déesse mère pour
intégrer son anima.
En survolant l'Éthiopie, il sauva la princesse Andromède
qui allait être sacrifiée à un monstre marin, et
l'emmena avec lui, la prenant pour femme. À Sériphos, il
délivra sa mère de Polydectès en se servant de la
tête de Méduse, changeant ainsi en pierre le roi et ses
partisans. De retour en Grèce, Persée tua
accidentellement son grand-père Acrisios avec un disque,
accomplissant ainsi la prophétie. Selon une légende,
Persée se rendit en Asie, où son fils Persès
régna sur les Perses, d'où leur nom.
6/ Les enfants d'Europe
Europe aura trois enfants : Rhadamante (que nous avons vu plus haut), Sarpédon et Minos.
Rhadamante était réputé comme législateur. Il se rendait tous les neuf ans à la caverne de Zeus et en rapportait une nouvelle série de lois (Minos aurait fait de même ultérieurement, par imitation, après avoir chassé son frère par jalousie). Il deviendra l'un des trois juges des Morts et épousera Alcmène.
Sarpédon et Minos entrèrent en rivalité pour le trône de Crète. A la veille de revendiquer le trône, Minos invoqua Poséidon en le priant d'envoyer un taureau pour qu'il le lui sacrifie. Le taureau marin etait si beau que Minos renonça à le sacrifier (volonté de puissance). Poséidon se vengea en rendant la femme de Minos, Pasiphaé (fille d'Hélios) amoureuse de ce taureau. On dit aussi qu'il inspira les amours monstrueuses de Pasiphaé pour le taureau afin de se venger de la révélation d'Hélios sur les amours entre Arès et Aphrodite. De cette union naquit le Minotaure que Minos, de honte, fit enfermer dans le labyrinthe. Le fils de Minos, Androgée, avait été tué à l'instigation du roi Egée, père de Thésée, qui craignait pour son trône. En représailles, Minos exigea des Athéniens qu'ils lui livrent chaque année sept jeunes hommes et sept jeunes femmes, en pâture pour le Minotaure. Thésée tuera le Minotaure.
Sarpédon et Minos entrèrent également en
rivalité dans la
conquète de Milétos
: on retrouve un inceste du
deuxième
type dans sa variante homosexuelle. Relevons aussi les nombreuses
aventures de Minos. Pasiphaé s'en irrita et jeta un sort
à son mari : toutes celles avec qui il s'unissait mourraient,
dévorées par des scorpions et des serpents qui sortaient
du corps de Minos. Ce dernier sera délivré grâce
à l'herbe de Circé, celle-ci se trouvant être la
soeur de Pasiphaé (écho de l'inceste du
deuxième
type).
En guise de conclusion
J'ai relevé l'intrication de deux
incestes du deuxième type qui apparaissent précocement
dans la généalogie des dieux : Aphrodite avec deux
frères, Helios avec deux soeurs. Ces deux mythes nous conduisent
à celui de la lignée d'Europe, avec deux issues
radicalement opposées : Oedipe (dans sa première partie
de vie) d'un côté, Ariane et
Dionysos de l'autre (et Oedipe dans sa seconde partie de vie).
En opposition à une position incestueuse qui prend toute son ampleur avec Oedipe, la mise en ordre du monde, le travail d'individuation (en opposition à la volonté de puissance) amène tout d'abord vers la prohibition de l'inceste, puis vers l'androgynie psychique, l'intégration du masculin et du féminin, le passage de la toute puissance (de la démesure) à l'ordre symbolique.
Pour Zeus, cette quête de l'anima reste emblématique même s'il en existe d'autres exemples (Ariane et Dionysos). Par ailleurs, la réconciliation entre Zeus et Prométhée témoigne de l'intégration du puer et du senex, ce d'autant que l'oracle de Prométhée contribue à aider Zeus à se libérer d'une part incestueuse.
Cette double opposition,
masculin/féminin et puer/senex, constitue le fondement de
l'Europe, fondement qui trouve son inscription dans les quatre
structures familiales exogames qui constituent la trame anthropologique
de l'Europe.